Le 8 Mai 2005 au réveil
Encore presque pas dormi. Ce n’est pas la fatigue qui manque. Les cils n’en faisaient qu’à leur tête. Mais elle ne dormirait pas. Ce soir là elle avait eue Axo au téléphone. Et elle les avait entendus ces larmes, ces colères, ces poings qui heurtaient violemment les murs. Parce que cette fois ce n’était pas les siens. Entre eux deux plus de silences que de paroles. Mais ça n’était que plus explicite. Elle avait à son tour senti ses yeux s’humidifier, puis sa réserve de pluie affluer. Elle s’était sentie impuissante face à lui. Et elle se faisait mille reproches, ceux de ne pas pouvoir, de ne pas savoir l’aider. Elle cherchait une solution, comme à chaque fois, mais sans jamais la trouver.
Alors elle avait observé la lune, espérant y trouver son reflet tout en continuant de l’écouter, elle la lune, et lui, au téléphone. Il criait. Il était désolé. De l’avoir rendue triste avec toutes ces histoires. Il criait qu’il l’aimait. Et elle, elle l’écoutait. Puis elle avait dû raccrocher. Chaque chose à une fin. Du vide plein le cœur et plein l’âme. Un vide lointain mais infâme. Alors, elle s’était essuyée les yeux du revers de sa manche. Puis elle était rentrée. Ils n’avaient rien remarqué. Ou du moins, ils s’étaient tus.
Et puis il y a eu Clément. Avec ses paroles qui font mal. Qui vous empoignent le cœur comme pour en faire des sacs. Des sacs en peau de cœur.
Il avait dit à Mamzelle Kim qu’il en avait marre de toute cette folie, lui avait qualifié ça de « débile ». C’était peut-être ça qui avait fait mal. Il en avait marre. Marre de la voir s’esclaffer de joie et de plaisir lorsqu’il prononçait un de ces mots, vous savez, sur lesquels il y a toute une histoire derrière, pour elle ce mot pouvait être « pingouin » ou « Ukraine » ou tellement d’autres… Mais paraissait que ce trop plein de joie mettait en péril toute conversation sérieuse. Il avait par la suite ajouté « Marion est un cas irrécupérable mais le tien l’est encore ! » Mais Mamzelle Kim n’en avait pas envie ! Elle ne voulait pas être sauvée ! Elle ne voulait pas redescendre sur leur planète. Elle savait que quand il lui parlait sérieusement, elle l’écoutait, avec attention. Elle les avait toujours écouté, sans juger quoi que ce soit. Et c’était sur sa joie de vivre que tout retombait ? Non. Non elle n’avait pas envie d’être sauvée. Parce que ce qu’il avait qualifié de « débile » était bien plus pour elle. C’était un moyen de se redonner le sourire, d’en apercevoir un sur les lèvres d’un autre, un moyen d’effacer un instant la peur et la tristesse. De cacher, d’oublier la sienne. C’était devenu son moyen de locomotion, sa façon d’être, de vivre. Une vie qu’elle s’était reforgée à son goût. Son goût à ELLE. Et l’on voulait la sauver de cette joie retrouvée ?
Elle s’était sentie seule. Elle avait cru que lui, Clément, était tombé amoureux d’elle pour ce qu’elle était réellement. Mais il ne savait pas. Il ne savait pas plus que les autres ce qu’elle était réellement.