Le 15 Novembre 2005
Elles sont venues. Elle était là, à écrire, recroquevillée sur son lit. Elle a senti ce courant d’air. Cet air glacé la pénétrer, elle a laissé tomber cahier et crayon pour s’y abandonner… Et encore une fois, elle a senti l’invasion, les intruses dévastatrices étaient de retour… Elle aurait pu lutter… Mais elle ne l’a pas fait. Trop fatiguée de se battre contre son âme ravagée… Elles sont entrées, et cette fois encore, la folie l’a gagnée, une schizophrénie passagère, comme l’aurait qualifié l’un de ceux qui ne comprennent pas. Alors la folie l’a gagnée, de la tête aux pieds, membres par membres, ravagées jusqu’au bout des ongles. Le spectacle pouvait alors commencer… Agenouillée devant le mur, elle y a posé ses deux mains. Elles contrôlaient. Elles les ont fait glisser. Lentement. Et de plus en plus vite. De plus en plus fort. Jusqu’à sentir la peau se déchirait, son sang couler, jusqu’à regarder ses phalanges se brûler, se consumer. Elle n’était plus, elle n’existait qu’à travers Elles. Kim elle fermait les yeux, l’horreur de ce spectacle lui était trop affreuse. Et puis… Et puis plus rien. Bras et mains relâchés. Juste les larmes s’écoulant lentement sur ses joues. Descendre. Mamzelle Kim gravit les marches de l’échelle jusqu’à atteindre de ses pieds le sol si dur, si froid… Mais une fois là, elle avait oublié. Elle ne se souvenait plus ce qu’elle était venue faire là. Et le cauchemar reprit. Elles n’avaient pas fini, elles ne se lassaient plus de jouer avec sa vie. Elles sont revenues terminer l’inachevé. Soumise la petite princesse s’est assise, devant ce petit mur de plâtre blanc. Et ses mains déjà bien amochées, ont recommencé à frapper. La douleur était encore plus vive. Le mal l’engourdissait, le corps contorsionné d’hurlements masqués, de cris sourds, que personne n’entendit. Mamzelle Kim appelait à l’aide et personne ne venait. Elle hurlait à ces âmes de s’en aller, de la laisser en paix… Mais rien n’y fit. La souffrance ne leur suffit plus, il leur fallut lui faire ouvrir les yeux. Alors Mamzelle Kim ouvrit les yeux. Et ce qu’elle vit fut pire que la souffrance que lui apportaient les brûlures… Elle vit sa possession et sa folie sur ce mur blanc tâché de rouge… Tâché de sang. Elle vit son agonie… Pour la première fois elle sut à quoi ressemblait sa folie.
Elle n’était plus elle, et elle en eût tout le spectacle. Elles la guidaient, elles riaient, la firent rire à son tour, contre toute sa volonté, contre son gré. La petite princesse s’entendit rire aux éclats. Elle qui voulait cracher toutes les larmes de son corps, elle qui se voyait devenir une autre, elle qui regarder la folie l’incarner, elle était contrainte à regarder, à écouter ses traits se tordre non plus de douleur mais de rire… Le paradoxe était ce soir là à son comble… Et puis… Et puis plus rien. Elles s’en étaient allées. La laissant seule dans l’euphorie, agenouillée sur le carrelage blanc glacé. Ses larmes coulèrent doucement, elle ne dit rien, son silence signifiait toute sa souffrance. Elle se sentait souillée, déchirée, changée… Elle sentit son corps sombrer. Elle était allongée. Les genoux contre la poitrine, les côtes contre ce froid de neige, elle tremblait, elle ne voulait plus y penser. Fermer les yeux, essayer d’oublier. Les marques de son périple lui brûlaient la peau à en crier mais elle se tût.
Quelques heures plus tard, elle se réveilla, elle ne comprit pas tout de suite. Elle était là, son corps étendu sur les carreaux à la fraîcheur glacière, les yeux imbibés d’une pluie méconnaissable, les doigts bleutés… Et puis… Et puis les phalanges en lambeaux. Son âme éparpillée en mille morceaux. Elle ne se souvint pas, ce ne fut qu’en remontant qu’elle se remémora.
Cette nuit là elles avaient fini de l’achever. Mais il fallait continuer, à vivre comme les gens, à vivre normalement, laisser sa folie à la nuit, et oublier juste pour la journée… Sourire. Sourire au monde entier parce que l’arc-en-ciel ne s’est pas consumé, parce que son rêve parce que son rêve est inachevé, et parce qu’elle avait décidé de ne pas s’arrêter, sa vie n’était pas terminée.