Le 12 Novembre 2005
L’herbe est d’un vert éclatant. La rosée du matin se dépose à ses pieds. Les tiges fraîches lui chatouillent les chevilles. Le soleil brille et tous ses rayons sont pointés sur elle. Un paysage infini, son regard porté sur l’immensité, toute cette étendue de terre à ses pieds… Son regard a capturé les étoiles de la nuit passée afin de les rallumer la journée, sous la chaleur intense de cette lune de feu, celle que l’on appelait soleil… A côté d’elle, le garçon nuage. Une brindille suspendue à ses lèvres, et le bonheur accroché à ses yeux… Il ne regardait qu’elle, cette fille de l’arc-en-ciel, cette princesse aux reflets d’innocence, cette fée à l’odeur des étoiles… Vêtue d’une jupe blanche, celle qui vole, celle qui tourne, des bas multicolores aux rayures souriantes, qui contrastaient sa peau d’une blancheur infinie… Une pureté lumineuse émanait d’elle, de Lui.
Elle souriait. Un sourire que rien n’aurait pu gâcher en cet instant magique. Un sourire empli d’une joie indestructible, d’une sincérité aveuglante, un sourire tourné vers le monde, le leur, et tous les autres… Un sourire pour ce jour couleur bonheur. Ils étaient beaux, rayonnants de magnificences, sublimes en ce paysage simple mais d’une splendeur rare que leur valait l’instant… Le bonheur et la pureté leur réussissaient… On eût dit qu’ils étaient deux anges, deux étoiles.
Et puis, prise par la joie, elle eût envie de rire. Alors elle rit. Elle rit, et commença à tourner. Tourner sur elle-même, ses pieds battant l’herbe fraîche, doucement d’abord puis en s’accélérant. Les bras ouverts, à Lui, à Eux… La tête tournée vers le ciel, elle riait de bonheur de joie et de simplicité. Ses jambes prenaient de la vitesse, ne se lassant pas de ces tours à répétition… Le monde tournait plus vite devant ses yeux, elle ferma les paupières… Ses cils tremblaient, secoués d’un vent d’euphorie… Et vite, de plus en vite, elle riait, ses jambes se fatiguaient mais continuaient la danse, ses mains brassaient le vide et l’air frais, les paumes tournées vers le ciel en supination… Sa jupe volait, s’envolait, se soulevait, ce jupon qui tournait au même rythme qu’elle. Le vent ramenait ses cheveux sur son visage, et cela l’importait bien peu, plus rien ne pouvait la déranger, elle riait. Elle était une fée, elle était une princesse… Et tout s’accélérait, le temps n’existait plus, la durée de l’instant était perdue. Son corps frêle commençait peu à peu à s’épuiser, mais elle le soumettait à tourner plus vite encore, elle qui riait de plus en plus fort… Elle riait de joie, elle riait… de folie.
Le moment fut venu où son corps à bout, ses pieds usés ralentirent peu à peu. Le monde lui aussi se faisait plus lent autour d’elle… Elle s’arrêta net, devant cette étendue, devant son éternité, sa liberté, devant lui. Elle titubait, vacillant de tous côtés… Tout devint flou, elle lui sourit, en riant… Et tomba. Elle s’évanouit, son corps s’écroula sur l’herbe humide. Il ne dit rien. Il ne cria pas. Mais il eût peur, il s’approcha d’elle, s’agenouilla auprès de son corps inerte… Elle, étendue sur leur univers, leur magie, elle s’en était allée, sa folie l’avait trompée, elle s’y était noyée… Mais c’était avec le sourire qu’elle partait. Elle était tombée, et le vide ne l’avait pas rattrapée… A présent la pluie se faisait entendre… De nombreuses gouttes vinrent se poser sur son visage, sur son corps, sur son sourire… Sur le visage du garçon nuage on ne distingua pas les gouttes des larmes qui s’écoulaient de ces deux yeux d’étoiles… Elle était tombée, elle n’était plus là, elle s’était perdue.
Voilà pourquoi.